Textes en tout genre

 

 
 
 A C C U E I L


 

Le film
Le film est terminé. J’ai dit :

C’est qui le réalisateur déjà ?

C’était bien. C’était long. Ca se décantait tout doucement. On avait le temps d’apprécier. C’est souvent comme ça les bons films. Il y a une phase d’introduction ou de présentation des faits – appelez ça comme vous voulez – assez longue. Elle m’a parlé de cette scène à la fin où l’homme dit qu’il s’est toujours senti différent des autres – déjà tout petit sa mère disait de lui qu’il avait un côté féminin – aller à l’usine, c’est comme aller à la morgue – il ne peut imaginer ne plus avoir ses moments de solitude – côté décalé pour mieux apprécier les saveurs du monde – aime pas les mêmes choses que les hommes normaux - trop sensible – c’est un défaut. Elle dit que cela lui fait penser à moi. Le même.

 

De l’importance de sentir les choses. De l’importance des voyages retour
Le voyage retour avec notre nouvelle voiture s’est bien passé. Aussi bien qu’à l’aller. Confortable. Trop même. On n’entend que légèrement le bruit du diesel. En plus, on a mis un cd de musique classique. En fond. Le son sort des quatre coins. Magnifique.
Je lui fais donc part de mes réflexions sur notre vieille auto. Je lui dis que la nouvelle n’a pas de défauts. Je veux parler d’un point de vue visuel. Elle a un côté bourgeois, un peu à droite je pense. Je lui dis qu’elle ne porte pas notre histoire. Je lui dis qu’elle nous isole de l’extérieur et qu’il me sera désormais impossible d’apprécier nos voyages, moi qui regarde pendant que toi conduis, la nuit dans Paris, alors les gens dorment.
Elle me répond que ce doit être une question d’habitude. L’autre fût également en son temps une voiture moderne. Je pense que oui. Je réagis souvent comme cela face à la modernité. Je me méfie des nouvelles choses et crains qu’elles ne m’ôtent quelque ressenti agréable. Alors je crains. Oui, finalement. Notre découverte de cette nouvelle voiture, c’est un peu comme le film que nous venons de voir. Phase d’observation. On se vouvoie. On hésite et on repense à son ancien compagnon. On se respecte. C’est physique. On accélère. On se teste. C’est le début. On se quitte sans se dire mot et demain on recommencera. Peut-être on finira par s’attacher l’un à l’autre.

 

… Et de l’importance de garder des traces du passé
Objets. Au cas où le quotidien prenne trop de place. Au cas où la routine s’installe. Pour se remémorer. Nous cacherons notre vieille voiture qui est hors d’usage pour la ressortir bien plus tard, lorsque nous l’aurons presque oubliée. La mettre dans un champ. La couvrir et planter des arbres qui poussent vite autour. Organiser une vie avec jardin et poules qui picorent afin qu’elle disparaisse. Puis, un jour, quand les enfants seront grands, se souvenir. Et un dimanche après-midi, alors qu’on ne sait pas quoi faire, dans un moment de folie, tout arracher. Pour revoir. Pour se souvenir.
Ainsi, de fil en aiguille, discussion qui n’en finit pas, on avance, on recule, on tourne à droite, nous nous mîmes à revivre notre première fois. Envie de l’autre.

 



 
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